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RTSL 03.10.2025 MENORCA

Updated: Sep 12



RTSL 2025


MENORCA



Les années ont passé, les risques presque éliminés et l'escale de Palma demeure. Air France la digne héritière des Lignes Aériennes Latécoère et de l'Aéropostale ; mais pas seulement !
Les années ont passé, les risques presque éliminés et l'escale de Palma demeure. Air France la digne héritière des Lignes Aériennes Latécoère et de l'Aéropostale ; mais pas seulement !

 

 

Pour cette dernière étape en Méditerranée, et pour votre retour dans vos bases respectives, nous changeons d'époque, nous sommes en 1928. Les Aviateurs, pilotes, mécaniciens et radios, nouvelle profession dans l'aviation réalisent la très dangereuse liaison Marseille-Alger. Les hydravions ne sont pas encore performants pour un service commercial performant. Et malgré les risques, les Aviateurs assurent, de leur vie parfois, cette ligne, mois prestigieuse et renommée que la Ligne France-Amérique du Sud mais tout aussi périlleuse et riche d'exploits. Je vais vous faire connaître deux aventures, l'une en totalité, l'émission de radio racontant le sauvetage d'un "hydro" au Nord de Minorque et quelques extraits du sauvetage du F.A.I.T.V au nord de Majorque après son décollage de la baie de Palma par le pilote, Roger Féru, le mécanicien Loertscher et le radio Pierre Viré. C'est Pierre Viré qui nous les conte dans son livre "T.V.B." paru en 1936 et préfacé par Jean Mermoz, sa dernière préface... Ah, oui, ces deux aventures se terminent bien ! Et pourtant ce n'était pas "gagné"... L'escale exceptionnelle de Menorca en est l'occasion parfaite pour les dévoiler


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Les vedettes de secours qui ont sauvé tant d'aviateurs en Méditerranée, des Lignes Aériennes Latécoère et de la Compagnie Générale Aéropostale, l'Aéropostale. Très certainement en noir le capitaine Sébastien Roquefort. Archives familiales Marylène Vanier/Musée Air France
Les vedettes de secours qui ont sauvé tant d'aviateurs en Méditerranée, des Lignes Aériennes Latécoère et de la Compagnie Générale Aéropostale, l'Aéropostale. Très certainement en noir le capitaine Sébastien Roquefort. Archives familiales Marylène Vanier/Musée Air France


Brevet de Capitaine de la Marine marchande de Sébastien Roquefort. Archives familiales Roquefort/Caire
Brevet de Capitaine de la Marine marchande de Sébastien Roquefort. Archives familiales Roquefort/Caire

HOMMAGE A SEBASTIEN ROQUEFORT


" Ce catalan, mince, musclé, basané, aux cheveux bruns, avait des yeux noirs où luisait une chaude flamme. Marin étonnant, il avait appris dès l'enfance les ruses de la mer lorsqu'il accompagnait les pêcheurs sur leurs frêles barques à voile. Il avait pris à cœur sa tâche de sauveur d'hommes." J.G.Fleury



Sébastien Roquefort, Responsable de la flottille des dépanneurs de Méditerranée, comme le Jean Rodier, le Jonquille ou le Colonel Casse, d'Alicante-Alger depuis 1925 puis de Marseille-Alger dès 1928. Sébastien Roquefort a aussi dirigé la flotte des avisos de l'Aéropostale. Un grand merci à Robert Caire et à sa famille. Archives familiales Roquefort/Caire
Sébastien Roquefort, Responsable de la flottille des dépanneurs de Méditerranée, comme le Jean Rodier, le Jonquille ou le Colonel Casse, d'Alicante-Alger depuis 1925 puis de Marseille-Alger dès 1928. Sébastien Roquefort a aussi dirigé la flotte des avisos de l'Aéropostale. Un grand merci à Robert Caire et à sa famille. Archives familiales Roquefort/Caire



HOMMAGE A PIERRE VIRÉ

A TOUS LES EQUIPAGES MARINS ET AVIATEURS DU MARSEILLE - ALGER


Marin, Aviateur, Sauveteur, Ecrivain, Philosophe lucide et Scénariste inspiré, serait peu dire pour situer Pierre Viré sur l’échelle des valeurs humaines. Né près d’Alger en 1903, au début d’un siècle dont les découvertes allaient métamorphoser le monde, Pierre Viré a sa vie ouverte, entre la mer et les sables.

Après la Marine, c’est dans l’Aviation commerciale naissante, qu’à travers ce Sahara inconnu et redoutable il participera à des aventures exceptionnelles, où le courage et la qualité des hommes sont mis à rude épreuve, comme il avait effectué maints sauvetage en mer, lors de la fameuse ligne aérienne Marseille-Alger.



PIERRE VIRÉ PAR JEAN MERMOZ


     ... Pierre Viré, radio-navigant de la Cie Air France, pionnier de l’ancienne Aéropostale sur les lignes de la Méditerranée, de Casablanca-Dakar et Sahara, a été formé à la rude école de la ligne. Il en a conservé l’esprit d’humour et de gaité saine qui régnait dans les popotes où les hommes du personnel navigant aimaient se retrouver pour discuter le coup. Son livre écrit dans un style sobre, directe, dépouillé de lyrisme littéraire, est émouvant de simplicité. La beauté d’une épopée s’y exprime d’elle-même, sans emphase. J’y ai retrouvé, vivant, le souvenir d’amis disparus ou trop oubliés, ainsi que l’évocation d’expériences personnelles qu’il m’a permis de revivre, tant les récits qu’il en fait sont d’une éloquente vérité...


Jean Mermoz



T.V.B. 


LA DERIVE MORTELLE

 

      En 1928, la ligne Marseille, Alger était encore bien loin de présenter la sécurité d'une ligne à passagers, Elle ne fut d'ailleurs ouverte au public que cinq ans plus tard, en juin 1934, après que tous les risques eurent été patiemment éliminés, A cette époque lointaine, l'hydravion CAMS postal F-AITA, pilote De Visa, radio Le Pêcheur et Cruveilher, mécanicien Carrey, a amerri au nord des Baléares, Ce sketch radiophonique reproduit l'action dans la cabine de T.S.F. du navire dépanneur Colonel Casse :


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Didier Daurat et Sébastien Roquefort à bord de la vedette-dépanneuse "Colonel Casse". Archives familiales Roquefort/Caire
Didier Daurat et Sébastien Roquefort à bord de la vedette-dépanneuse "Colonel Casse". Archives familiales Roquefort/Caire

"   -  Fermez, fermez, capt'aine, on est noyé, là-dedans, avec ces paquets de mer,

 

     -  Quel temps de cochon… Ça a l'air de vouloir encore fraîchir…Alors ?

 

     -  A 14 h 30, il a signalé gros mauvais temps de Noroît, avons désentoilé…

 

     -  Ils ont désentoilé… Et le Jonquille ?

 

     -  A 14 h 45, il y a dix minutes: 5 milles dans le Nord 75 Est de Péra,

 

-  Il avance pas, bon Dieu…

-  Il signale gros temps de Nord, obligé réduire à 10 nœuds…

-  Relisez voir tout ce que l'hydro a passé depuis son amerrissage.

-  I0 h 27: CQ de F-AITA. Pression huile à zéro, moteurs chauffent à 110, Amerrissons ?  Voilà les relèvements: F.N.M. : 205 ;  F.N.P. : 170 ;  E.A. 1 : 142 ; Le Jonquille de Palma: 27.

 

     -  Marignane 205, Perpignan 170, Barcelone 152, Palma 27. Ça le met à 40 milles dans le Noroît du cap Menorca… Bon Dieu de bon Dieu… Pas moyen de tenir debout avec ce sacré roulis… Après ?

 

     -  A 10 h 19 : Avons amerri normalement, Vent Noroît force 6, mer agitée ; Minorque en vue au 140 ; rendez-vous 11 h 30. A 11 h 30 : Vent fraîchi, mer grosse, appareil étale, dérivons sur Minorque. Rendez-vous 12 h 30. A 12 h 30 : Noroît force 8, mer, du vent, dérivons à 5 nœuds vers la terre ; rendez-vous 13 h 30. A 13 h 30, pas entendu. A 14 h 30 : Tempête de Noroît. Avons désentoilé. Appareil étale. Dérivons sur Fray-Bernarda…  Il demande QTE, FNMX le relève au 195, F.N.P. au 168, E.A. 1 au 137, le Jonquille au 12.

 

     -  Attendez… Marignane ?  195 ;  Perpignan ? 168.  Barcelone ? 137…

 

     -  «… ça le met à quinze… dix-huit milles dans le Nord-Noroît de Ménorca… A quelle heure ? 14 h 30… de 10 h 30 à 14 h 30, ça lui fait 22 milles en quatre heures, 5 milles à l'heure… Dans trois heures au maximum, il sera sur les falaises de Ménorca… La dernière position du Jonquille ? »

 

 

     -  A 14 h 45, il y a un quart d'heure : 5 milles dans le Nord 75 Est du cap Péra, gros temps de Nord ; obligé réduire 10 nœuds.

 

-  - Péra à Menorca… 25 milles. A 10 nœuds ça fait deux heures et demie. Le Jonquille sera au vent de Menorca, une demi-heure avant l'hydro… et encore… Maintenant, il va commencer à prendre la grosse mer par le travers… Enfin, en comptant qu'il tiendra 10 nœuds, il aura une demi-heure… Même pas… 20 minutes, pour le trouver… A peu près autant que pour crocher son corps-mort au mouillage de Palma !... Si tout va bien, le Jonquille arrivera juste à temps pour crocher l'hydro à toucher la falaise…

 

     -  Vous connaissez la côte Nord de Minorque ? ça a l'air moche, du large…

 

     -  Moche ?... oui, plutôt… De la falaise à pic…  une muraille de deux cents mètres, quoi !... Oui, oui, je la connais la muraille ; j’étais élève-officier à bord du Général-Chanzy… Vous vous rappelez ?... Non, vous étiez encore au biberon… C'était le 9 février 1910… Dans la nuit, gros mauvais temps de Noroît d'hiver… Tiens, comme aujourd'hui…  avarie de machine…  tiens, comme l'hydro…  Et pas la T.S.F., nous ! Toute la journée du 9 nous avons dérivé vers les falaises…  oui…  toute la journée à voir monter devant nous les falaises de Ménorca à Fray-Bernardo,

 

     -  (Un court silence, puis voix assourdie,)… Et cent cinquante passagers qui hurlaient à la mort…  Horrible… Horrible …  Je les entends encore, dans mes cauchemars…  une surtout…  une femme…  elle m'avait mis de force un nourrisson dans les bras…  Et elle hurlait…  avec des yeux de folle…  sauvez-le … sauvez-le…   (un court silence.) A dix heures du soir, le Chanzy s’est écrasé sur la falaise de Fray-Bernardo…  Fallait voir ça… : un œuf…   (un court silence.) Jamais pu me rappeler ce qui s’est passé après…  Suis resté fou plusieurs mois…  seul rescapé… quand on a  …

 

     -  (brusque, voix précipitée.) Tchut !  Tchut !  Taisez-vous : voilà le Jonquille

 

     -  (Manipuler au buzzer en morse. Lire à mi-voix comme à mesure de la réception des mots.)

 

     -  15 heures.  Jonquille… arbre… porte-hélice… cassé… dans… violent… coup de tangage stop… (Ton violent, accompagné d’un coup de poing sur la table.) Ah ! nom de Dieu…

 

(Un silence.)

      -  Maison-Blanche a reçu ce message du Jonquille ?  Oui ?  Bon. Passez-lui celui-là : Aéropostale Alger :  A 15 heures, position 60 milles Sud-Suroît Dartuch seront cap Ménorca au plus tôt 22 heures stop hydro dérivant à 5 nœuds vers falaises Fray-Bernardo extrême urgence le retrouver avant 17 h 30 stop  Jonquille en avarie prière alerter Marine Mahon. Vedette Colonel-Casse.

 

                                                (Un silence.)

     -  Tchut…  Tchut… le voilà…

     -  (Avec vivacité.)  Qui ?  l’hydro ?…

     -  (Même ton.)  Tchut !  Taisez-vous, quoi ?…

     (Manipuler en morse quelques mots du message ci-après.)

     -  (Avec vivacité.)  Qu’est-ce qu’il dit ? Vous écrivez comme un patouillard.

     - (Avec véhémence.)  Avec le roulis et le branle-bas que vous me faites dans le dos !... (Déchiffrant l’écriture.)  15 h 30. Avons falaises Fray-Bernardo à cinq milles sous le vent. Dérivons dessus stop désentoilons plan supérieur pour diminuer dérive stop gros mauvais temps nord envoyer urgence secours stop restez écoute permanente. Appellerai seize heures.

     -  (Douloureusement.) Hooh !  Fray-Bernardo à cinq milles…Comme nous… à la tombée de la nuit…

 

                                              (Un silence.)

     -  Seize heures. Vous ne l’entendez-pas ?

     -  Non.

                                                (Un court silence.)

     -  Il devrait parler. Vous ne l’entendez-pas ?

     -  Non.

                                                 (Un court silence.)

     -  Vous ne l’entendez-pas ?

     -  (Véhément.) Aah !  foutez-moi la paix à la fin !  Vous allez réussir à me le faire louper.

                                                  (Un court silence.)

     -  (Brusque)  Le voilà…  Aah !  les vaches !...

                                                   (Un court  silence.)

     -  Alors ?

     -  Rien à faire. Brouillé. Voilà ce que j’ai pris Sommes… dros… dros… drossés… fal… urge… abandon… rad… Urge…  Falaises…

                                                              (Un court  silence.)

     -  16 h 30 ; Il devrait parler.

     -  Ecoutez, capitaine : ne recommencez pas à  (Brusque.)  Tchut !... le voilà !

                                                             (Un court  silence.)

     -  (Voix basse.) Un souffle…  trop faible…  (Vivement.)  Allez vite au compas pour gonio.

                                                             (Un court  silence.)

     -  Paré ?

     -  (Voix lointaine.) Paré.

     -  Attention !

     -  (Voix lointaine.) Attention.

     -  (Brusque)  Top !

     -  (Voix lointaine.) Top.

     -  (Voix lointaine.) Attention.

     -  (Brusque)  Top !

     -  (Voix lointaine.) Top.

                                                             (Un court  silence.)

     -  Alors ? Vous l’avez ?

     -  Oui. 10 tribord, à trois degrés près.

     -  Cap compas 30…  vrai : 20 ; vingt, plus 10 tribord, ça fait Nord 30 Est… Si votre relèvement est exact, ils sont sur Fray-Bernardo…  Y a bien ce doute de trois à cinq degrés…  Pourvu qu’il soit du bon côté !... On va mettre en avant toute…  jusqu’à ce qu’on arrache tout devant…  Tant pis. On verra bien par où ça pétera… On arrivera peut-être à temps… qui sait… on en vu d’autres !... Vous avez pu avoir son message ?

     -  (Un court silence.) Non. Je crois qu’il faisait S.O.S.

                                                             (Un court  silence.)

     -  Fermez vite la porte, cap’taine. Assez d’eau comme ça dans le cagibi. Encore une douche sur l’émetteur et je suis en carafe.

     -  Alors ?

     -  Rien depuis 16 h 30. Tout le monde l’appelle.

     -  Répond plus ?

     -  Non.

     -  Vous croyez qu’il a fait S.O.S. ?

     -  Je crois. Trop faible, un souffle. IL devait avoir son antenne dans l’eau. Personne n’a eu son signal.

     -  Et le Jonquille qui était à le toucher, bon Dieu de bon Dieu !

     -  Il a été brouillé. Tenez…

     -  Q.U.B. F-AITA ici Q.R.M.  5/5 Amortie 600. Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

     -  Qu’est-ce qu’il fout le Jonquille ?

     -  A 18 h 25, il a signalé Arbre irréparable sommes en difficulté sous le vent de Péra

     -  Pas de bateaux dans les parages ?

     -  Le Djebel-Amour et l’El-Goléa. Ils ont reçu ordre de se dérouter. Mais ils sont aussi loin que nous… D’Alcudia a appareillé une balancelle à moteur avec un récepteur gonio de fortune et le radio Munar à bord.

     -  Oui, tous comptes faits, ils sont sur Fray-Bernardo. Et il n’y a pas un seul bateau dans les parages !... (Voix sourde.)  Comme la nuit du 9 février… Fray-Bernardo

 

                                                         (Un silence.)

     -  Quel temps de cochon… Ça a passé Noroît… Si ça hale l’ouest on pourra plus faire route… Tout à l’heure au crépuscule on voyait les crêtes des lames par la pomme du matereau avant… Maintenant, il fait noir comme dans une baille de coaltar… Vois même plus le mât… Ça arrive de tous les bords… Ecoutez-moi ça… (Un court silence ; avec sifflement.) SSS !  un ouragan…

     -  Et devant, ça étale ?

     -  Oui, y a plus rien à enlever. Les rambardes sont arrachées. L’ancre et le guindeau sont partis… par dessus bord, heureusement. On est lavé sur la passerelle. J’ai fait raidir à bloc partis… par dessus bord, heureusement. On gardera cette allure tant que le brise-lames et l’écoutille du poste d’équipage étaleront…

                                                         (Un silence.)

     -  Alors ?

     -  Toujours tien ! Tout le monde l’appelle, Mahon, Marignane, Maison-Blanche, le Jonquille, le Djebel-Amour, l’El-Goléa… Tenez, écoutez-moi ça…

 

     (Manipuler : F-AITA de C.L.M.  qrk ?   qrk ?  + K.)

     -  Qu’est-ce qu’ils disent ?

     -  F-AITA de Mahon : comment recevez-vous ? Répondez…

     (Avec un ricanement lugubre.)  Ah,  ah,  ah, répondez ! Fray-Bernardo… Répondez !...

     -  Alors ?

     -  Toujours rien. Un torpilleur espagnol a appareillé de Mahon. Les deux vedettes de la Compagnie des Tabacs ont été alertées. Fort-de-l’Eau, Marseille-Jelée et Soller passent toutes les demi-heures le signal de détresse aux navires à la mer.

     -  Qu’est-ce que c’est, ça… allons couler… assistance immédiate…

     -  Rien, un bateau… au large d’Ouessant…

                                                         (Un silence.)

     (Un violent coup sourd, suivi de l’exclamation précipitée.)

     -  Nom de Dieu !

     (Une sonnerie saccadée.)

                                                         (Un silence.)

     -  (Vivement.) Qu’est-ce qu’y a ?

     -  Brise-lames et écoutille arrachés. La T.S.F. gaze toujours ? oui ? Signalez sommes en difficulté à 10 milles Sud Dartuch, obligé mettre en cape.

                                                         (Un silence.)

     -  Alors ?

     -  Toujours rien. A minuit le torpilleur signale qu’il ne peut approcher la terre. Une des vedettes ne peut doubler Favaritz. L’autre est à Cabrera. Le Djebel-Amour a eu une embarcation  enlevée à la mer. A 1 h 30, l’El-Goléa signale que…

 

     (Un violent coup sourd suivi d’un silence.)

     (Avec un sifflement.)  SSSS ! Ecoutez-moi ça… ce temps… (Voix sourde.) Comme le 9 février 1910… La nuit de Fray-Bernardo… la femme qui hurlait sauvez-le … sauvez-le…  Ah ! pauvres petits… Les pauvres petits !

                                                         (Un silence.)

     -  (Vivement.) Cap’taine, cap’taine, venez…

                                                         (Un silence.)

     -  Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?

     -  Tchut ! Taisez-vous ! Regardez !

 

     (Manipuler en morse et lire à mi-voix comme à mesure de la réception des mots.)

 

     -  Aéropostale Marignane… hydravion…  français…  pris…  en…  re…  mor… que… remorque…

     -  (Voix éclatante.)  En remorque ! Il est en remorque !

 

     (Continuer à manipuler pendant une demi-minute et terminer par le signal ++ VA.)



Alors, si vous retrouvez cette émission de radio, contactez-moi...



Extrait de l'album familial de Raymond Vanier.
Extrait de l'album familial de Raymond Vanier.

Suite à cette émission radiophonique passons à l'écriture et découvrons quelques extraits choisis des aventures de Pierre Viré :




Puerto Soller au pied du Pic Mayor, par beau temps ! Voici le lieu où se déroule histoire ...
Puerto Soller au pied du Pic Mayor, par beau temps ! Voici le lieu où se déroule histoire ...

"... –  Je me demande où on peut bien être…

     –  Nous sommes près de la terre et loin de Soller…

     –  Nous avons dérivé parallèlement à la côte…

     On doit être sur la côte, dans le N.E. de Soller, à 10 ou 15 milles…"

  



T.V.B.


LE NAUFRAGE DU F.A.I.T.V.


Le 10 octobre 1928, l’hydravion Laté 32 F-AITV, sur lequel il vole en qualité de radio-navigant avec le pilote Féru et le mécanicien Loertscher, est obligé d’amerrir au nord des Baléares par grosse mer, après le décollage de Palma de Majorque à destination de Marseille. L’appareil, peu après le cap de La Dragonera, est détruit au contact et coule en quelques instants, mais Viré a le temps de dégager le canot pneumatique et de le gonfler. Après une longue dérive au cours de laquelle le canot chavire à plusieurs reprises, Viré, grâce à ses qualités de marin, réussit à atteindre par nuit noire la côte pourtant inhospitalière au nord de Majorque. Après quelques minutes tragiques après l'accident, les trois hommes sont montés dans le canot, voici la suite.


Cap de La Dragonera, la pointe Ouest de la Tramontana et ses falaises vertigineuses ; Palma de Majorque n'est pas loin. Photo JC Nivet prise le 8 septembre 2025.
Cap de La Dragonera, la pointe Ouest de la Tramontana et ses falaises vertigineuses ; Palma de Majorque n'est pas loin. Photo JC Nivet prise le 8 septembre 2025.

Le texte dans son entier sera consultable bientôt. En voici quelques extraits concernant le dénouement tragique et heureux à la fois :


A BORD DU CANOT ENFIN...


..... Je décide que, d’après le soleil, il doit être 13 heures, et tous les trois ensemble nous nous tournons vers notre avenir : au Sud, une teinte incertaine, lointaine et inaccessible : la terre… La terre…

     Jusqu’alors nous avons défendu notre peau, sans penser à rien, comme des sangliers traqués. Maintenant que le cerveau a recommencé à réfléchir, il nous suggère l’ambition insensée d’atteindre la terre.

     Nous nous sommes installés à bord, ce qui a consisté à nous débarrasser de nos combinaisons et à nous accroupir jusqu’au ventre dans l’eau de notre radeau plein à ras bord ; chacun a fait mentalement l’inventaire de nos ressources. Six bras, six jambes, nos vêtements, notre radeau ; trente milles de grosse mer. Le ciel est clair, un ciel de mistral ; le vent a tourné N.W. frais, avec rafales.


     –  On y arrivera jamais…, dit sourdement quelqu’un.

     –  Si seulement on avait les pagaies…

     –  Les dépanneurs ne vont pas pouvoir faire route avec cette mer…

    

     Enfin !...  des mots inutiles, signe certain d’une détente…

     La détente s’accentue, s’affirme. Nous n’avons aucun moyen de l’atteindre, cette terre, mais déjà nous en parlons comme si le problème ne se posait pas :

 

     –  Je crois que l’on voit le pic Mayor

     –  Heu !...  oui, peut-être…

     –  On est pas à jour ! Toute la côte Nord de Majorque est en falaise à pic…

     –  Il y a la crique de Port-Soller

     –  Oui. C’est la seule crique de toute la côte. Il n’y a que Soller, on ne peut aller nulle part ailleurs…

     –  Soller est au pied du pic Mayor.

     –  Faut faire route vers le pic Mayor.

 

     Nous ne savons pas encore comment nous irons, mais nous savons déjà où nous voulons aller. Trente milles de grosse mer, six bras, six jambes…

 

SAUVETAGE A LA VOILE


     .... A force de confronter ces données simplifiées à l’extrême, une amorce d’action possible m’est venue à l’esprit. Je saisis ma combinaison et la déploie par les manches entre mes bras levés. Elle ralingue au vent. Je l’amure en coinçant les jambes sous mes genoux : le corps prend le vent, se gonfle. Je ressens nettement sur mes bras – les vergues – une traction vers l’avant…

    Une force existe autour de nous, invisible mais sensible, une force à notre service : derrière, un sillage de timides remous atteste le déplacement… Nous avons les moyens de capter cette force !

     Féru et Loertscher étendent leurs combinaisons : le sillage s’affirme en bouillonnement. Nous avançons ! Nous faisons route au Sud-Est, vers la terre, grand largue…

 

     Pendant des heures, nous allons ainsi faire une drôle de navigation à la voile.....


DE NUIT LE JONQUILLE EN VUE


...... Et comme j’émerge contre le radeau retourné, crachant l’eau salée par les narines, j’entends des mots magiques :

     –  Regarde ! Tu as vu ? Une fusée !

     Je vois : un trait lumineux raye les ténèbres, s’incurve, éclate en boule rouge qui descend lentement, faisant serpenter dans l’eau noire des reflets de vie. Un autre trait éclate en feu vert. Un autre.

     –  Des fusées !

     Nous répétons ce mot comme on boirait un cordial.

     –  C’est le Jonquille !

     –  Ils nous cherchent !

     –  Ils ont fait vite !

     Brave Jonquille ! Il nous cherche. Il furette. On distingue son feu rouge de bâbord au ras de l’eau ; puis son feu vert…;  il a viré de bord… Pourquoi ?

 

     Une démence soudaine nous fait tous les trois ensemble hurler une longue clameur de damnés : le feu rouge reparaît ; le navire a encore viré de bord, nous prolongeons notre clameur, les veines du coup prêtes à éclater. Il nous cherche. Des fusées éclatent encore. Un faisceau éblouissant jaillit, coupe la nuit en deux, balaye le ciel et l’horizon, transperce une seconde nos yeux aveuglés. Il nous a vus. Dans cinq minutes il est sur nous. Nous ne cessons de hurler mécaniquement que pour reprendre souffle.

 

     Vite, vite… Nos yeux éblouis ne voient plus que des spectres multicolores qui dansent dans l’espace ; quand les spectres, lentement, se sont fondus dans les ténèbres, nous cherchons désespérément les feux du navire : ils se sont éteints.

 

     Nous voyons maintenant son feu de poupe. Notre clameur s’est tue ; un grand calme s’est fait dans lequel nous distinguons le grondement décroissant du navire qui s’éloigne.


En tournant la tête vers le Sud, j’ai encore vu des feux scintiller au ras de l’eau. J’ai tellement fixé ceux du Jonquille… L’impression m’en est restée sur la rétine…

 

PUERTO SOLLER EN VUE...


     Pourtant… Non. Et pourtant ! Enfin, oui ou non ?...

     Oui ! un feu fixe, que je vois, un feu fixe qui existe, sur la terre…

     –  Le feu fixe de Soller !

 

     Mon exclamation m’a convaincu, définitivement.

     –  Où ?

     –  Là !

     –  Hop ! un éclat… Tiens ! là-bas : le feu à éclats de la Dragonera.



L'île de La Dragonera et son phare à éclats, sur la droite. Photo prise le 8 septembre 2025 !
L'île de La Dragonera et son phare à éclats, sur la droite. Photo prise le 8 septembre 2025 !

 

     Nous articulons grossièrement les mots entre nos mâchoires que nous ne remuons pas, pour qu’elles ne se mettent pas à claquer de leurs dents, et souvent une syllabe, un mot, une phrase que nous n’avons pas le courage de rattraper, s’étouffe sous l’eau. Ce conciliabule à peine intelligible entre interlocuteurs immergés se poursuit, avec vivacité. Je sens contre moi un de mes compagnons, je ne sais lequel : je ne reconnais pas la voix. L’autre voix nous parvient comme feutrée. Le troisième doit être de l’autre côté du radeau.

 

     –  D’après l’angle des feux de Soller et de la Dragonera, on serait près de la terre !


    ......      –  Je me demande où on peut bien être…

     –  Nous sommes près de la terre et loin de Soller…

     –  Nous avons dérivé parallèlement à la côte…

     –  On doit être sur la côte, dans le N.E. de Soller, à 10 ou 15 milles…

     –  C’est la falaise à pic.

     –  Tant pis, quoi ! Il doit y avoir des failles dans la falaise.

     –  Il y a des torrents qui se jettent à la mer par là…

     –  On trouvera bien une crique abritée. Au besoin même, on attendra le lever du soleil assez loin de la falaise…


LA LIBERTÉ ENFIN LE RETOUR À LA VIE


     ..... Je me souviens seulement d’avoir vu Féru et Loertscher sous la lampe. Ils avaient des visages décomposés, étranges, monstrueux. Le sol oscillait sous nous à tel point que nous nous sommes adossés au rocher pour ne pas être rejetés au gouffre. En contrebas la mer grondait et des trombes d’eau nous giclaient dans les jambes. Nous avons escaladé à quatre pattes un escalier taillé dans le roc. Une porte s’est présentée, nous l’avons poussée et j’ai tout de suite vu une gargoulette. Quand nous l’avons eu vidée à nous trois en nous l’arrachant sans un mot, elle est tombée par terre et s’est fracassée…

 

     Titubants, nous avons poussé une autre porte. Une lumière cruelle nous a meurtri les yeux. J’entendais un vacarme effroyable et je me retins des deux mains à quelque chose de fixe. Peu à peu se dessinait le visage inconnu d’un homme frappé de stupeur, avec la bouche béante, les yeux dilatés ; un homme pétrifié d’étonnement nous considérait.

 

     Il faisait chaud, il faisait bon. Des alternateurs ronflaient allègrement. Tout tournait autour de moi, mais je me sentais en sécurité, solidement fixé par les mains. L’homme se précipita soudain sur l’un des deux autres qui défaillait, et je m’allongeai sur le sol en fermant les yeux avec délices…



LES DERNIERS DOCUMENTS DU JOUR ...


PLAQUES DE VERRE 3D DE RAYMOND VANIER EN MÉDITERRANÉE



Le dépanneur Aviateur Rodier dans le port d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le dépanneur Aviateur Rodier dans le port d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France


Le dépanneur Aviateur Rodier dans le port d'Alicante. A gauche Didier Daurat, Victor Hamm, Louis Delrieu. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le dépanneur Aviateur Rodier dans le port d'Alicante. A gauche Didier Daurat, Victor Hamm, Louis Delrieu. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

Le F-AFDG dans le port d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le F-AFDG dans le port d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

Le dépanneur Jean Arcaute à la base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le dépanneur Jean Arcaute à la base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France


Le dépanneur Jean Arcaute à la base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le dépanneur Jean Arcaute à la base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

Le F-AHEV. LéO-H13 à l'hydrobase d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le F-AHEV. LéO-H13 à l'hydrobase d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Ici un des deux moteurs du LéO-H13. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Ici un des deux moteurs du LéO-H13. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France


La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
La base "hydro" Latécoère d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France


1925, Louis Delrieu sur le dépanneur Jean Rodier, au départ d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
1925, Louis Delrieu sur le dépanneur Jean Rodier, au départ d'Alicante. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France


Le port d'Alicante en 1925. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France
Le port d'Alicante en 1925. Archives 3D R. Vanier/Musée Air France

A bientôt, à très vite sur La Ligne. Bon retour sur vos tarmacs respectifs et surtout, "bons vents". Ah, et demain, si vous passez par les Colombrettes, n'oubliez-pas ... Et lisez cette dernière illustration, recommandation et surtout, volez en toute sécurité.

Bien à Vous.

Jean Claude Nivet



Après les premières semaines du Casa-Dakar, voici un évènement qui se déroula lors des premières semaines de la ligne Toulouse-Rabat en octobre 1919. Nous retrouvons deux personnages légendaires des LAL, de la CGA et d'AF, des Lignes Aériennes Latécoère, de la Compagnie Générale Aéropostale et d'Air France : Didier Daurat et Raymond  Vanier. Ah j'oubliais aussi deux Anciens, créateurs, avec Beppo de Massimi, et d'autres, d'Air-Bleu puis de la Postale de Nuit. Mais cela est une autre Histoire ... A bientôt sur le site de la Fondation Latécoère pour de nouvelles histoires de vie des Personnels de la Ligne France-Amérique du Sud, latecoere.com/leshommesdelaligne, Photo Daniel Girardet.
Après les premières semaines du Casa-Dakar, voici un évènement qui se déroula lors des premières semaines de la ligne Toulouse-Rabat en octobre 1919. Nous retrouvons deux personnages légendaires des LAL, de la CGA et d'AF, des Lignes Aériennes Latécoère, de la Compagnie Générale Aéropostale et d'Air France : Didier Daurat et Raymond Vanier. Ah j'oubliais aussi deux Anciens, créateurs, avec Beppo de Massimi, et d'autres, d'Air-Bleu puis de la Postale de Nuit. Mais cela est une autre Histoire ... A bientôt sur le site de la Fondation Latécoère pour de nouvelles histoires de vie des Personnels de la Ligne France-Amérique du Sud, latecoere.com/leshommesdelaligne, Photo Daniel Girardet.





 
 

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